Que l’on soit particulier investisseur ou professionnel immobilier, la fiscalité liée à un achat en bloc suivi de sa vente à la découpe présente des spécificités.

Qu’il s’agisse d’un immeuble bâti comprenant plusieurs appartements, ou d’un terrain à bâtir voué à être divisé en plusieurs parcelles, l’achat d’un volume unique en vue d’être revendu par fractions intéresse de près les investisseurs.

En tant que cabinet d’avocats spécialisés en fiscalité immobilière à Lyon et sur toute la France, nous rencontrons régulièrement les problématiques fiscales relatives à la découpe d’un ensemble immobilier et avons décidé de développer cette thématique au profit de nos clients.

L’analyse qui vous sera proposée présente les principales interrogations de droit fiscal qui se posent aux investisseurs privés et marchands de biens. Il s’agit d’une réflexion transversale qui concerne plusieurs impôts, dont les règles de calcul sont différentes mais qui traitent tous la vente à la découpe comme un sujet particulier méritant une analyse commune.  

Nous traiterons successivement des droits d’enregistrement (I.), de la taxe sur la valeur ajoutée (II.) et de l’imposition des profits immobiliers, tant à l’impôt sur les sociétés que selon le régime des plus-values immobilières (III.).

Vente à la découpe d’un immeuble acheté en bloc et droits d’enregistrement

Les droits d’enregistrement aussi appelés « droits de mutation à titre onéreux » frappent notamment les ventes d’immeubles. Les marchands de biens bénéficient d’un traitement fiscal plus favorable que celui réservé à l’investisseur particulier.

Régime de droit commun pour le particulier investisseur immobilier

Un particulier agissant à titre privé, en nom propre ou via une société, ne bénéficie d’aucun régime de faveur. Lors de l’achat de l’immeuble, il paie des droits d’enregistrement au taux normal, soit environ 5,80%. Cet impôt constitue plus des trois quarts de ce que l’on appelle couramment les « frais de notaire » et que l’on estime au total à environ 7,5% du prix d’achat d’un immeuble.

Le particulier ne réalise aucune économie fiscale à acheter un immeuble en bloc plutôt que chaque lot du même immeuble pris séparément. Le montant des droits d’enregistrement exigibles sera exactement identique dans les deux cas de figure. Relevons toutefois qu’il réalisera des économies d’échelle mais qui n’ont pas de rapport direct avec la fiscalité.

Rappelons également que les droits d’enregistrement constituent une charge déductible ou amortissable lorsque la fiscalité des revenus locatifs est celle des bénéfices industriels et commerciaux (et a fortiori de l’impôt sur les sociétés). A l’inverse, ces droits ne peuvent faire l’objet d’une déduction des revenus fonciers lorsque les lots font l’objet d’une location nue, puisqu’ils s’assimilent à une dépense en capital et non une charge de propriété. En contrepartie, dans ce dernier cas de figure, ils viendront majorer le prix d’acquisition lors du calcul de la plus-value imposable le jour la vente immobilière, mesure de rattrapage potentiellement devenue sans intérêt si le bien est par exemple revendu plus de 30 ans après (exonération de la plus-value en raison de la durée de détention du bien). 

Le choix de déduire immédiatement les frais d’acquisition plutôt que de les intégrer au prix de revient de l’immeuble et de les amortir sur la même durée dépend des circonstances de chaque opération. Il faut observer les conséquences de l’alternative sur le résultat comptable annuel à l’aune de la durée de détention prévisible du bien immobilier pour statuer sur ce choix. En règle générale, notons simplement qu’une déduction immédiate permet de réaliser une économie de trésorerie à très court terme, notamment si le bien est loué et à forte rentabilité.

Régime de faveur applicable aux marchands de biens

L’acheteur d’un immeuble en bloc peut bénéficier de droits d’enregistrement à taux réduit lorsqu’il s’engage à revendre le bien dans un délai de 5 ans et déclare être assujetti à la TVA. Ce régime prévu à l’article 1115 du code général des impôts permet de réduire le taux des droits de mutation à 0,715% au lieu de 5,80%. Nous ne reviendrons pas ici sur les conditions à réunir pour revendiquer la qualité d’assujetti permettant d’appliquer ce régime de faveur.

L’immeuble acheté en bloc et revendu à la découpe par un marchand de biens pose principalement deux problématiques fiscales au regard des droits d’enregistrement.

La première concerne le délai dans lequel le marchand doit revendre chaque lot composant l’immeuble.

Le législateur prévoit en effet un engagement de revendre raccourci à 2 ans pour les ventes par lot entrainant l’application du droit de préemption du locataire. Rappelons qu’il s’agit notamment du cas où le marchand devenu propriétaire bailleur notifierait un préavis à chaque locataire lui indiquant son intention de vendre. Dans ce contexte, l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 offre un droit de préemption au locataire.

On a pu s’interroger si, le simple fait pour le marchand de ne pas revendre les lots dans le délai de 2 ans n’annulait pas automatiquement le bénéfice du taux réduit. Cette position défendue par l’administration fiscale consistait à apprécier la condition à l’issue du délai de 2 ans, alors que c’est à la date de la revente qu’il faut se placer. En effet, dans l’hypothèse où le propriétaire bailleur ferait libérer les lots progressivement en vue de les vendre avant la cinquième année, la jurisprudence considère que c’est bien le délai de droit commun de 5 ans qui s’applique (Cour de cassation, chambre commerciale, 7 juillet 2015 n° 13-23.366, Société foncière de la Muette).

La seconde concerne le cas, habituel en pratique, où le marchand de biens souhaite conserver certains lots de l’immeuble dans le patrimoine social en vue de les louer. 

La question se pose donc de savoir si le marchand doit payer un complément de droits de mutation dans l’hypothèse où il n’aurait pas vendu tous les lots de l’immeuble qu’il a acquis en bloc.

La doctrine administrative précise qu’en cas de revente partielle d’un immeuble acquis pour un prix global, le complément de droits se calcule sur la différence entre le prix d’acquisition de la totalité du bien et le prix de revente de la fraction pour laquelle l’engagement a été respecté (BOI-ENR-DMTOI-10-50 n° 110). Cette précision administrative présente un avantage certain en cas de contexte immobilier favorable puisque le marchand peut se retrouver dans une situation où il ne doit aucun complément de droits en ayant vendu seulement une partie des lots, notamment si le prix de vente des lots vendus est au moins égal au total du prix d’achat de l’immeuble en bloc. En revanche, elle présente selon nous un risque en cas de retournement du marché, par exemple si le marchand revendait à perte la partie des lots concernés. En pareil cas, la doctrine permettrait à l’administration de réclamer un complément de droits de mutation alors que l’opération présente une perte. Le cas n’ayant à notre connaissance jamais donné lieu à contentieux, il demeure compliqué de se prononcer sur la conformité de cette doctrine aux règles de droit supérieures.

Cette solution en cas de revente partielle s’applique lot par lot, lorsque leur prix d’acquisition a été distingué dans l’acte. Autrement dit, le fait d’individualiser les prix d’achat peut pénaliser le marchand à la revente quant à l’application des droits d’enregistrement. Quand bien même la différence entre le prix global des lots revendus et le prix d’achat de l’immeuble serait positive, chaque lot conservé en patrimoine et dont le prix a été mentionné dans l’acte d’acquisition supportera le complément de droits de mutation.

TVA sur un achat suivi d’une vente à la découpe

La TVA immobilière constitue souvent un enjeu important dans l’étude de la rentabilité d’un projet immobilier. Rappelons qu’il existe une différence importante entre l’investisseur qui agit à des fins privées et ne fait qu’exercer un simple droit de propriété, et celui qui agit à des fins professionnelles en se comportent comme un acteur du secteur immobilier. Précisons également que l’administration fiscale elle-même a posé le principe selon lequel le particulier qui cède des terrains, y compris lorsqu’il a entrepris une opération de lotissement au travers une division parcellaire, est présumé ne pas exercer une activité économique (BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 §60). De manière courante, c’est l’entreprise de démarches actives de commercialisation foncière qui fait basculer le simple particulier gestionnaire de son patrimoine privé en véritable professionnel immobilier (Conseil d’Etat, 9 juin 2020 n° 432596).  

Au cas présent, retenons que le particulier ne sera pas concerné par notre analyse et demeurera hors du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée.  

Les spécificités d’une vente à la découpe diffèrent selon que l’on aborde le cas d’un immeuble bâti ou d’un terrain à bâtir.

Achat d’un immeuble en bloc et revente lot par lot

La TVA immobilière présente des particularités et fait toujours l’objet d’une étude spécifique, malgré l’intervention de la loi du 9 mars 2010 qui a profondément remanié les règles applicables au secteur immobilier.

Aujourd’hui, le champ d’application de la TVA comprend toutes les livraisons d’immeubles réalisées par un assujetti agissant en tant que tel. Parmi ces livraisons d’immeubles, certaines sont taxables de plein droit et supportent donc la TVA, d’autres bénéficient d’une exonération. Le critère décisif tient à la date d’achèvement de l’immeuble livré.

La TVA s’applique de plein droit aux ventes d’immeubles achevés depuis moins de 5 ans. A l’inverse, un marchand de biens ne sera que très rarement concerné par la TVA puisqu’il réalise en très grande majorité des achats-reventes portant sur des biens anciens, achevés depuis plus de 5 ans. En effet, s’agissant des biens achevés depuis plus de 5 ans, la TVA ne s’applique qu’en cas d’option expresse du marchand (cas purement théorique qui ne présente pas d’intérêt en pratique) ou lorsque l’ampleur des travaux de rénovation aboutit à rendre l’immeuble neuf. Dans ce dernier cas de figure, la TVA s’applique alors sur le prix de vente au taux de 20%. En contrepartie, le marchand de biens peut déduire la TVA ayant grevé son prix de revient (travaux, architecte etc.).

Dans le cas qui nous intéresse d’une revente à la découpe d’un immeuble acheté en bloc, chaque vente de lot constitue une opération distincte pour la TVA (position de principe, voir notamment Conseil d’Etat, 14 février 1979 n° 9262, SA Félix Frisch). Autrement dit, si l’opération supporte de la TVA (cas d’une option par exemple), le vendeur doit acquitter la TVA sur chacune de ses ventes, calculée sur la base de la différence entre le prix de vente de chaque lot et son prix de revient estimé en imputant à ce lot une fraction du prix d’achat global de l’immeuble en bloc.

En d’autres termes, si la vente d’un lot a lieu à un prix inférieur au prix de revient proratisé de ce même lot, la marge négative résultant de cette vente ne sera pas déductible de la base d’imposition, elle positive, dégagée par d’autres ventes. Cette situation demeure tout de même assez rare en matière d’immeuble bâti.

Précisons également que dans certains cas de figure, la vente à la découpe se traduit par des différences  de qualification juridique entre chaque lot vendu. Par exemple, il peut arriver que le marchand n’ait effectué que des menus travaux dans certains appartements, alors que l’ampleur de ceux réalisés sur d’autres lots ont abouti à en faire des immeubles neufs dont la livraison est de plein droit soumise à la TVA. Dans d’autres cas particuliers, le marchand peut entreprendre des travaux de surélévation ou d’extension, lesquels concourent nécessairement à la production d’un immeuble neuf et donc à une TVA collectée sur le prix de vente. Notons d’ailleurs que ce n’est pas la vente à la découpe qui contraint le marchand à appliquer un traitement TVA différent à ces différents lots, mais bel et bien la règlementation TVA elle-même. En d’autres termes, la revente d’un seul et même immeuble dont le rez-de-chaussée ne serait pas qualifié d’immeuble neuf et l’étage issu d’un droit de surélévation supporterait exactement le même montant de TVA en cas de revente après division en deux. Au cas présent, ni la découpe ni la réunion de plusieurs lots ne permet au marchand d’échapper à la TVA.   

Lotissement d’un terrain à bâtir et TVA sur la revente des lots

Les lotisseurs réalisent des opérations d’aménagement sur des terrains constructibles de surfaces importantes. Les projets aboutissent à la division en plusieurs lots et à la revente de terrains à bâtir au profit de particuliers pour l’édification de maisons individuelles.

La TVA s’applique de plein droit aux ventes de terrains à bâtir. Elle s’applique en principe sur le prix de vente total, mais peut aussi s’appliquer sur la marge lorsque certaines conditions sont remplies. A la date de rédaction des présentes, rappelons que le contexte jurisprudentiel demeure très fourni en matière de TVA sur marge. La CJUE a censuré en fin d’année 2021 la lecture retenue jusqu’alors en droit interne, laquelle considérait que la condition liée à l’absence de déduction de TVA sur le prix d’acquisition était remplie dès lors que l’achat avait été réalisé auprès d’un particulier non assujetti à la TVA. Le 1er février 2022, la réponse ministérielle Grau prend acte de la nouvelle grille de lecture donnée par la CJUE mais précise que les opérations en cours (avant-contrats signés avant modification de la doctrine, laquelle n’est toujours pas intervenue) demeurent éligibles à la TVA sur marge y compris lorsque les nouvelles conditions posées par la jurisprudence européenne ne sont pas remplies.

Autrement dit, la TVA sur marge demeure d’actualité pour les lotisseurs qui continuent à remplir toutes les autres conditions et notamment celle liée à l’identité juridique entre le bien acheté et le bien vendu. Rappelons en effet que l’administration exige que le lotisseur revende le même bien que celui qu’il a acheté, sans exiger toutefois que la contenance soit identique (réponse ministérielle Vogel devant le Sénat, 17 mai 2018 n° 4171). Ainsi, il faut toujours veiller à isoler les parcelles bâties et non bâties avant d’acheter, de sorte à bénéficier de la TVA sur marge lors de la revente des terrains à bâtir.

Lorsque le lotisseur ou marchand de biens procède à une division de l’ensemble qu’il a acheté, les modalités de calcul de la marge sur laquelle s’appliquera la TVA peuvent interroger. Il est assez courant que le lotisseur soit amené à faire des concessions pour mener à terme son opération d’aménagement. Par exemple, la municipalité peut exiger de lui qu’il lui cède gratuitement certaines parcelles aux fins de réaliser un élargissement de voirie. Dans ce cas de figure, on peut s’interroger sur la possibilité pour le marchand de prendre en compte le coût de revient des parcelles remises gratuitement à la commune dans le calcul de la marge à propos des terrains commercialisés. L’administration fiscale semble l’admettre dans sa doctrine administrative (BOI-TVA-IMM-10-20-10, §300). La jurisprudence l’a également confirmé récemment (Conseil d’Etat, 13 octobre 2021 n° 433745).

Par conséquent, lorsque le marchand de biens ou lotisseur réalise une vente à la découpe de terrains à bâtir, il peut prendre en compte pour le calcul de sa marge taxable le prix d’achat de la superficie totale du terrain, y compris celui afférent aux parcelles données gracieusement à la commune. Cette solution revient économiquement à imputer une marge négative (en raison d’une vente à perte au profit de la collectivité) sur une marge positive, ce qui semble aller à l’encontre de la décision SA Félix Frisch rendue en matière de vente à la découpe portant sur un immeuble bâti (voir précédemment). Pour autant, il n’en est rien juridiquement. En effet, comme l’explique la rapporteure publique Céline Guibé, il n’y pas imputation d’une marge négative sur une marge positive puisque la remise gratuite des terrains à la commune n’entre pas dans le champ d’application de la TVA. Cette solution a d’ailleurs fait l’objet d’une confirmation récemment (Conseil d’Etat, 18 février 2022 n° 449811).

En conclusion, rappelons tout de même que cette solution favorable ne s’applique pas si la marge négative réalisée par le lotisseur ne provient pas d’une vente à prix symbolique mais d’une simple opération à perte. Il s’agit par exemple du cas où l’une des parcelles se vendrait à un prix inférieur à son prix de revient.

Calcul d’une plus-value lors d’une vente à la découpe

L’achat d’un immeuble en bloc offre généralement un levier financier intéressant en vue de ventes à la découpe. D’un côté, le fait d’acheter un immeuble en bloc permet aux investisseurs de négocier avec les vendeurs et de réduire le prix d’achat au m/² par rapport à un achat lot par lot. D’un autre côté, le vendeur non professionnel du marché immobilier préfèrera liquider l’immeuble en une seule vente, quitte à y perdre financièrement.

Cela permet à l’acheteur de réaliser ce que le vendeur n’a pas jugé utile de faire, soit par manque de temps soit par manque de compétences : vendre l’immeuble à la découpe pour tirer le maximum de chaque lot.

L’impact fiscal d’une vente à la découpe chez un professionnel de l’immobilier

A l’inverse de la TVA, la situation des marchands ne présente pas de difficulté particulière en matière d’impôts directs.

Généralement structuré dans une entité soumise à l’impôt sur les sociétés, le marchand de biens immobiliers va se voir appliquer les règles des bénéfices industriels et commerciaux.

Rappelons que, d’un point de vue comptable et fiscal, il faut effectuer une distinction majeure entre l’immeuble acquis en vue d’une exploitation en propre, par exemple locative, et l’immeuble acquis en vue de sa revente.

L’investisseur qui acquiert un immeuble en bloc en vue d’en retirer des recettes locatives significatives par rapport au gain de revente espéré devrait l’inscrire à l’actif immobilisé et l’amortir. Ce faisant, la vente ultérieure relèvera du régime des plus-values professionnelles, lequel ne présente aucune spécificité en matière immobilière pour les sociétés assujetties à l’IS. Autrement dit, le résultat net égal à la différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable supportera l’IS au taux de droit commun sans aucun mécanisme d’atténuation. Appliqué à une vente à la découpe, cela consistera à déterminer un résultat propre à chaque lot.

A l’inverse, le marchand de biens devra inscrire l’immeuble en stock lorsqu’il envisage clairement de réaliser un gain en capital. A cet effet, il semble que l’engagement de revendre pris en matière de droits d’enregistrement ne soit qu’un indice supplémentaire de l’intention spéculative. En effet, la pratique comptable attache davantage d’importance à la perspective de revente qu’à la souscription d’un engagement formel. Aussi, un investisseur n’ayant pas souscrit cet engagement dans l’acte authentique pourra tout à fait inscrire l’immeuble en stock et se comporter, au plan fiscal, comme un acheteur-revendeur. Par ailleurs et à l’inverse, la jurisprudence considère que le fait de louer un bien ne suffit pas à lui seul pour qualifier l’actif de « durable » et donc l’inscrire en immobilisation (Conseil d’Etat, 9 avril 2014 n° 358278, SCI du Forum).

Dans le cas des immeubles inscrits en stocks, on ne parle pas de plus-value mais simplement de résultat courant. La différence entre le prix de vente et le prix de revient augmenté de tous frais et charges intègre le résultat ordinaire et supporte également l’IS au taux normal.

Contrairement à la TVA, la marge négative réalisée sur un lot et se traduisant par un déficit fiscal pourra s’imputer sur les profits réalisés sur les autres lots. La temporalité de cette perte fiscale peut cependant soulever une interrogation. Est-il préférable de réaliser la marge négative lors de la vente du premier lot ou faut-il réserver cette vente pour la fin du projet ?

Lors d’une vente à la découpe portant sur un immeuble en bloc, il peut arriver qu’un lot ait nécessité des travaux d’ampleur rendant sa revente inintéressante au plan purement financier. Si le marchand de biens procède à la vente de ce lot en premier, il se peut qu’elle génère au cours du premier exercice un déficit fiscal. Ce bénéfice se reporte en avant sans limitation dans le temps, jusqu’à ce que la société réalise suffisamment de bénéfice pour le compenser. Rappelons tout de même que, lorsqu’il s’agit d’opérations importantes en termes d’enjeux, le déficit ne s’impute qu’à hauteur de 1 million d’euros majoré de 50% du bénéfice excédant ce montant. Si l’opération s’avère in fine bénéficiaire, ce plafonnement ne soulèvera dans le pire des cas qu’un problème de trésorerie à la société de marchand.

Si en revanche la société débute son cycle de vente par les opérations bénéficiaires et réserve le lot à perte pour le dernier exercice, celle-ci se compensera avec le bénéfice du même exercice et le reliquat constituera un déficit fiscal pouvant le cas échéant s’imputer par mécanisme de « carry-back » sur le bénéfice de l’exercice précédent. Dans des cas exceptionnels où le bénéfice de l’exercice précédent ne serait pas suffisant, ou bien si la vente du dernier lot déficitaire n’intervient que plusieurs années après la réalisation d’un bénéfice, la société dispose tout de même d’une créance fiscale contre le Trésor, remboursable à l’expiration d’un délai de 5 ans si non imputée entre temps.

S’agissant des marchands de biens, nous privilégions quasi systématiquement le mécanisme de carry-back au report en avant. D’une part, il permet une présentation plus avantageuse des bilans aux banques. D’autre part, il permet de réaliser avec certitude une économie d’impôt et donc, améliore la trésorerie de l’entreprise, là où le report en avant présente un risque de perte définitive en cas de non emploi.

Outre le problème de la temporalité, l’avocat fiscaliste peut également conseiller son client marchand de biens quant à l’opportunité de vendre ou conserver certains lots dans l’immeuble. Cette réflexion transversale mêle les problématiques fiscales aux problématiques de trésorerie de l’entreprise.

L’objectif sera de déterminer la quotité de lots à revendre parmi l’immeuble acheté en bloc, en assurant à la société venderesse la trésorerie attendue de son investissement tout en optimisant fiscalement l’imposition des reventes à la découpe. Cet équilibre entre trésorerie suffisante et fiscalité avantageuse se détermine à l’aune de plusieurs facteurs, notamment l’IS et les droits de mutation dont il a été question précédemment. Par exemple, il faudra s’interroger sur l’intérêt ou non pour le marchand de vendre des lots au-delà du minimum requis pour le maintien du régime de faveur en matière de droits d’enregistrement. En effet, la vente de ces lots n’apporte pas d’économie fiscale supplémentaire en matière de droits de mutation et elle génère une imposition du bénéfice au taux de 25% (et dans certains cas également une perte liée à la TVA si celle-ci est applicable). Certes, elle permet de dégager une trésorerie positive pour le vendeur mais qui doit être comparée avec celle qui serait générée par des flux locatifs récurrents.

Vente à la découpe en tant que particulier investisseur

Nous ne reviendrons pas ici sur les critères permettant de distinguer le particulier du marchand de biens. Nous partirons donc du postulat que le particulier n’avait aucune intention spéculative lors de l’acquisition de l’immeuble en bloc (puisqu’il ressort d’une jurisprudence constante que cette condition s’apprécie lors de l’achat et non lors des cessions ultérieures : (Conseil d’Etat, 2 juin 2006 n° 266507, Beuvelet). Il relève donc du régime des plus-value immobilières, qu’il agisse directement ou qu’il détienne le bien au travers une société translucide fiscalement.

La revente de chaque lot constitue le fait générateur d’une plus-value imposable. Cette plus-value correspond à la différence entre le prix de cession et le prix d’achat. La vente à la découpe pose une problématique de détermination du prix d’achat, dans la mesure où, bien souvent, l’acte d’achat portant sur l’immeuble en bloc ne renferme aucune ventilation de prix en fonction des différents lots.

En pareil cas, le code général des impôts indique que la plus-value prend en compte la fraction du prix d’acquisition de l’ensemble du bien afférente à cette seule partie (CGI annexe II article 74 SD). Cette règle reprise par l’administration fiscale dans sa propre doctrine (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10, §130) s’applique également aux charges et indemnités augmentatives du prix. Si le législateur invite le vendeur à déterminer lui-même la fraction du prix correspondant au lot vendu sans fixer de règle contraignante, cela ne signifie pas pour autant que les opérateurs peuvent retenir une méthode de calcul incohérente qui leur serait favorable fiscalement. La réponse ministérielle Perrin du 22 décembre 1965 avait déjà précisé que les ventilations ne devaient pas nécessairement être effectuées d’après une répartition proportionnelle aux superficies. En réalité, c’est la valeur intrinsèque des biens dans leur état au jour de l’acquisition qu’il convient de retenir pour déterminer la fraction recherchée. Notons que, quelle que soit la méthode retenue par le contribuable, l’administration fiscale peut, dans l’exercice de son droit de contrôle, rectifier ce prix en se fondant sur d’autres méthodes. En règle générale, les services fiscaux se basent sur une affectation des tantièmes de copropriété, lesquels résultent de l’état descriptif de division établi post-division de l’immeuble. Cependant, le contribuable demeure libre d’apporter tout élément de preuve suffisamment précis permettant d’attribuer une valeur différente que celle retenue par le service vérificateur. Une jurisprudence récente vient même consacrer la possibilité de valoriser différents lots au sein d’un même immeuble selon des méthodologies différentes (cour administrative d’appel de Toulouse 9 juin 2022 n° 20TL04068). La même jurisprudence nous apprend également que, dans le cas où le marchand aurait anticipé la vente à la découpe dès l’acquisition, notamment en faisant inscrire dans l’acte d’achat le prix afférent à chaque futur lot, cette répartition du prix demeure inopposable à l’administration fiscale qui peut s’en écarter et rectifier les valeurs.

Pour des raisons différentes que celles propres au marchand de biens, le particulier devra prêter une attention particulière au calendrier de ses reventes. Alors que les lots revendus rapidement après l’achat ne bénéficieront d’aucun abattement pour durée de détention, ceux revendus ultérieurement pourront en tirer parti et ainsi profiter d’un taux effectif d’imposition plus faible de la plus-value immobilière. L’ordre de la revente doit également prendre en considération la nature des travaux effectués sur les différents lots. En effet, on sait que les travaux de construction viennent majorer le prix d’acquisition et ainsi réduire la plus-value taxable. On pourra ainsi privilégier la vente de ces lots dès les premières années, de sorte à ne pas perdre l’avantage fiscal lié aux travaux dans de nombreuses années, lorsque le mécanisme des abattements pour durée de détention aboutira à une exonération quasi-totale du gain immobilier. La nature des travaux a également une importance capitale dans l’arbitrage à effectuer au sein de l’immeuble entre les lots revendus et les lots conservés. Dans la mesure où les travaux d’entretien constituent des dépenses déductibles des revenus fonciers et non utilisables pour réduire la plus-value imposable lors de la revente, le contribuable aura davantage intérêt à cibler ces travaux sur les lots conservés en patrimoine plutôt que sur ceux revendus immédiatement, ce qui entrainerait une perte de l’économie fiscale.

Comme toujours en immobilier, les impératifs physiques, financiers et fiscaux doivent être mis en parallèle afin de tirer le plein potentiel de l’opération envisagée.