La donation de l’entreprise sous le mécanisme du pacte Dutreil permet d’optimiser fiscalement la transmission.
Sans ce dispositif, les droits de donation atteignent un montant généralement élevé rendant impossible cette transmission.
Le législateur a instauré ce régime d’exonération fiscale pour inciter les dirigeants d’entreprises à ne pas vendre leurs sociétés. En favorisant la transmission aux enfants, le pacte Dutreil permet de sauvegarder le tissu économique en France.
L’exonération du pacte Dutreil s’élève à 75% de la valeur de l’entreprise.
Autrement dit, la taxation de la donation n’a lieu que sur 25% de cette valeur.
Ce régime particulièrement avantageux nécessite toutefois une compétence bien spécifique pour sa mise en œuvre. Puisque ce dispositif offre une économie fiscale importante, l’administration fiscale veille à sa correcte application.
Lorsque la donation ne remplie pas les conditions du dispositif, un risque de requalification existe pour le donateur. La transmission pourrait alors supporter des droits de donation sur 100% de la valeur.
Dans ce cadre, nous vous assistons tout au long de la mise en place du pacte Dutreil.
Il existe principalement quatre conditions pour pouvoir réaliser une donation sous le régime Dutreil.
L’engagement de conservation en pacte Dutreil
Il y a deux types d’engagements, l’un collectif, l’autre individuel.
L’engagement collectif pendant 2 ans
Les parts ou actions de la société doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans.
Cet engagement collectif porte sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote en cas de société non cotée.
L’engagement peut être pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, seul ou avec un ou plusieurs autres associés, personnes physiques ou morales.
Pour les donations avec réserve d’usufruit, il faut limiter les droits de vote de l’usufruitier aux décisions concernant l’affectation des bénéfices. Cette condition pose souvent problème en pratique pour les donations d’entreprises. En effet, les parents ne souhaitent pas conférer trop de pouvoirs aux enfants. Cette exigence contraint toutefois les parents à concéder certains droits aux descendants. Toutefois, une technique rédactionnelle adaptée permet de réduire grandement la portée de cette clause. Nous insérons systématiquement les garde-fous nécessaires pour que les parents restent décisionnaires dans la société.
L’engagement collectif doit en principe être en cours à la date de la transmission.
Toutefois, il existe un cas d’engagement collectif réputé acquis lorsque le défunt ou donateur détient depuis deux ans le quota de titres requis pour la conclusion de cet engagement. Le Dutreil réputé acquis permet donc de gagner deux ans dans la conclusion du pacte et la transmission. Nous attirons toutefois votre attention sur le fait que le réputé acquis ne s’applique pas à tous les cas de figure. Il exige en effet un maximum de deux niveaux d’interposition entre le donateur et la société concernée par l’engagement. En outre, il faut que le défunt ou donateur exerce dans la société depuis plus de deux ans une fonction de direction éligible.
Lorsque nous validons les conditions ci-dessus, nous pouvons rédiger l’engagement collectif de conservation. Il s’agit d’un acte sous seing privé que l’avocat fiscaliste peut rédiger et faire signer à ses clients. Cet engagement fait ensuite l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration fiscale.
L’administration fiscale considère que le point de départ du délai de deux ans s’apprécie à compter de la date d’enregistrement de la déclaration de succession.
A défaut de respecter ce délai, un sérieux risque de remise en cause des exonérations pourrait naitre. Nous veillons toujours à ce que l’engagement ait une durée initiale légèrement supérieure à deux ans pour éviter cet écueil.
Un engagement individuel pendant 4 ans
Au moment de la transmission, chacun des bénéficiaires s’engage à conserver les titres transmis pendant une période de quatre ans.
Cette période commence à courir à compter de l’expiration de l’engagement collectif de conservation des titres. Toutefois, elle court à compter de la transmission lorsque cet engagement collectif est réputé acquis.
Pendant l’engagement individuel, le bénéficiaire peut donner les titres à un ou plusieurs descendants sans remettre en cause l’exonération Dutreil.
Cependant il faut être particulièrement vigilant. En effet, il faut que les descendants poursuivent cet engagement individuel jusqu’au terme. A l’inverse, si la transmission consiste en une cession, l’exonération partielle est remise en cause sur l’intégralité des titres de la société.
Pour aller plus loin : on peut envisager d’apporter les titres donnés à une holding en cours d’engagement collectif ou individuel. Cela ne remet pas nécessairement en cause l’exonération du pacte Dutreil. En revanche, l’engagement de conservation des titres devient double : le donataire devra conserver les titres de la holding et cette même holding devra conserver les titres apportés jusqu’au terme de l’engagement individuel.
Contrairement à un non-respect pendant la période de l’engagement collectif de conservation, l’engagement des donataires de conserver les titres est individuel. Par conséquent, le non-respect de cet engagement par l’un d’entre eux ne remet pas en cause l’exonération. Cette affirmation ressort directement du BOFIP de l’administration fiscale (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 340).
Les autres conditions du pacte Dutreil
Il s’agit de l’exercice de fonctions de direction et la qualification d’une activité éligible.
Les fonctions de direction éligibles au Dutreil
Pendant la durée de l’engagement collectif, l’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif de conservation des titres ou l’un des donataires ayant pris l’engagement individuel de conservation doit exercer dans la société l’une des fonctions de direction énumérées à l’article 975, III-1-1° du CGI.
Le texte exige le respect de cette condition pendant les trois années qui suivent la transmission. Cela implique de bien calibrer avec votre conseil fiscal la date à laquelle réaliser l’acte de donation.
L’administration précise à cet égard que durant l’engagement collectif, la fonction de direction éligible s’exerce par l’un des associés signataires de l’engagement collectif.
A compter de la transmission, l’un des donataires qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres ainsi reçus peut également exercer la fonction de direction éligible. En revanche cela ne constitue pas une obligation.
En revanche, en cas d’engagement réputé acquis, l’un donataires doit exercer une fonction de direction. Il s’agit bien d’une condition posée par le texte. Toutefois cela n’exclut pas qu’un autre associé, y compris le donateur, exerce également une autre fonction de direction. Nos conseils varient en fonction des cas de figure mais nous faisons en sorte de toujours protéger l’entreprise et le donateur. Les parents conservent des rôles et postes importants dans la société de sorte à ne pas abandonner tous les droits aux enfants.
Les activités éligibles au pacte Dutreil
L’exonération Dutreil s’applique aux transmissions d’actions de sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Elle s’applique aussi aux actions de sociétés interposées. Il s’agit de sociétés détenant, soit directement soit indirectement par l’intermédiaire d’une autre société une participation dans la société dont les titres font l’objet du Dutreil.
A première lecture, on s’aperçoit que le texte ne vise pas les activités civiles.
Il faut donc les exclure du champ d’application du régime Dutreil. Par conséquent, nous ne pourrons pas bénéficier de l’exonération de 75% sur les titres d’une SCI ou de toute autre société à prépondérance immobilière.
Toutefois, le texte n’exige pas que la société exerce à titre exclusif une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Il dispose simplement que cela doit être l’activité principale.
Les sociétés holdings animatrices de groupe exercent une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, de sorte que leur transmission peut bénéficier de l’exonération.
A cet égard, le juge de l’impôt considère que la prépondérance s’apprécie au vu d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et des conditions de son exercice. En présence d’une société holding, le caractère principal de l’activité d’animation de groupe est retenu notamment lorsque la valeur vénale des titres des filiales animées représente plus de la moitié de son actif total.
D’une manière plus générale, l’administration admet qu’une société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale de façon prépondérante lorsque le chiffre d’affaires procuré par cette activité représente au moins 50% du montant de son chiffre d’affaires total. Il faut également que la valeur vénale de l’actif brut immobilisé et circulant affecté à cette activité représente au moins la moitié de la valeur vénale de son actif brut total.
La cour d’appel de Paris a jugé que pour l’appréciation de la part des actifs d’une société holding, on doit inclure au numérateur du ratio les actifs immobilisés ou circulés, autres que les titres détenus, affectés à l’activité d’animation des sociétés animées. Cela vise notamment l’immeuble détenu par la société holding et donné à bail à sa filiale opérationnelle animée. Cela peut aussi viser les éventuelles créances rattachées aux filiales animées.
S’agissant de la date d’appréciation, la condition d’exercice d’une activité éligible doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement collectif et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation. Par dérogation, cette condition doit être satisfaite depuis deux ans au moins à la date de la transmission en cas d’engagement réputé acquis.