La donation de la nue-propriété peut revêtir différentes modalités, dont la fiscalité varie en fonction de l’ordre des opérations.
En effet, le donateur peut choisir de donner la nue-propriété du bien immobilier directement, sans mise en société préalable. Cette solution présente l’avantage de la simplicité mais également des inconvénients d’ordres juridiques et fiscaux.
A l’inverse, le donateur peut apporter la nue-propriété de l’immeuble à une SCI, puis donner la pleine propriété des parts sociales.
Existe-t-il un intérêt fiscal à choisir l’une ou l’autre de ces solutions ? Le deuxième schéma peut-il être qualifié d’abusif ?
Différence de fiscalité selon le moment auquel intervient la donation
L’application des droits d’enregistrement aboutit à une taxation différente selon que la donation porte sur la nue-propriété du bien, ou sur la pleine propriété des parts d’une SCI détenant la nue-propriété du même bien
La problématique fiscale posée par une donation de la nue-propriété d’un bien
En démembrant la propriété d’un immeuble en vue d’en donner la nue-propriété, le contribuable se place dans le champ de l’article 669 du code général des impôts.
Cette disposition prévoit en effet que, pour la liquidation des droits d’enregistrement, l’évaluation de la nue-propriété se fait en pourcentage de la valeur en pleine propriété selon un barème fiscal. Ce barème fiscal repose sur l’âge de l’usufruitier.
Autrement dit, plus l’usufruitier (donateur) est âgé, plus la valeur de nue-propriété augmente. C’est précisément pour cette raison que nous incitons les clients à transmettre rapidement leur patrimoine immobilier.
Cet article pose une réelle problématique financière, dans la mesure où il aboutit à sous-évaluer l’usufruit dans des proportions conséquentes. Par exemple, lorsque les parents ont 75 ans, leur usufruit est évalué à 30% de la valeur en pleine propriété, ce qui est très faible en comparaison de ce qu’est censé refléter ce droit, à savoir l’usus et le fructus.
C’est précisément pour contrer cette évaluation théorique que les praticiens ont imaginé interposer une étape avant la donation.
L’apport de la nue-propriété à une SCI fait sortir son évaluation du barème fiscal
Dès lors que l’apport n’est pas une opération entrant dans le champ de l’article 669, le barème fiscal d’évaluation n’est plus applicable. On bascule sur une méthode d’évaluation économique, qui redonne au droit apporté sa vraie valeur financière.
En appliquant cette méthode dite économique, on aboutit quasi systématiquement à un rééquilibrage en valeur des droits. L’usufruit ressort généralement à une valeur bien plus élevée que celle qui serait donnée par le barème fiscal, puisque l’immeuble sous-jacent procure une rentabilité minimum. A l’inverse, la nue-propriété, par différence, a une valeur bien moindre que celle découlant de l’article 669.
Une fois l’apport de la nue-propriété effectué se pose la question de l’opportunité de donner la pleine propriété des parts sociales de la SCI.
Le schéma d’apport-donation est-il systématiquement abusif ?
Un temps critiqué par le comité de l’abus de droit, ce schéma semble aujourd’hui envisageable sous certaines précautions.
Pourquoi l’apport-donation serait-il abusif fiscalement ?
En faisant précéder la donation d’un apport, le contribuable donateur a fait sortir l’évaluation de la nue-propriété d’un dispositif légal. Dans la mesure où, comme on l’a vu, l’évaluation économique aboutit à réduire la valeur de la nue-propriété, il ne fait guère de doute que les droits de donation payés sur la valeur en pleine propriété des parts sociales seront bien moindre que ceux payés sur la valeur en nue-propriété du bien immobilier.
L’opération permet donc au contribuable de réaliser une économie fiscale substantielle dans le cadre de la transmission de son patrimoine immobilier.
Dans plusieurs avis rendus au début des années 2000, le comité d’abus de droit a sanctionné cette pratique sans aucune nuance.
La Cour de cassation a finalement eu l’occasion de dresser le cahier des charges à respecter pour que ce schéma ne soit pas considéré comme fiscalement abusif.
Comment encadrer l’apport-donation de la nue-propriété à travers une SCI ?
A l’évidence, la SCI ne doit pas revêtir un caractère fictif. L’administration pourrait-elle considérer qu’en ne recevant que la nue-propriété, la SCI n’a pas pour but de réaliser un bénéfice et qu’ainsi, la fictivité du schéma serait démontrée ? A priori non, puisque l’usufruit s’éteignant au décès de l’usufruitier, la SCI récupèrera à terme la pleine propriété du bien et s’enrichira automatiquement à cette date-là.
Ensuite, on se gardera bien évidemment d’inclure les enfants dans la SCI au stade de l’apport.
Enfin, on pourra utilement prévoir de profiter de l’occasion pour apporter à la SCI d’autres actifs, par exemple financiers, qui lui permettront de fonctionner normalement et faire face à ses besoins.
Nous conseillons aux clients de faire preuve de la plus grande vigilance dans la mise en place de ces schémas, et ce d’autant plus que la notion d’abus de droit intègre désormais le but principalement fiscal. Les motivations patrimoniales et juridiques et l’apport en société doivent être particulièrement prépondérantes pour réaliser l’opération dans des conditions satisfaisantes au plan fiscal.
En tant qu’avocats spécialisés en transmission de patrimoine, nous pourrons vous accompagner dans l’étude de votre situation et vous assister dans les modalités de réalisation d’un apport-donation portant sur la nue-propriété d’un bien.