La constitution d’une société holding peut permettre de centraliser certains services au sein d’un groupe. Souvent, la création de la holding s’accompagne de sa désignation en tant que mandataire social des filiales.
Les prestations de services consistent souvent à accompagner la filiale dans des tâches administratives dites « de siège ». Autrement dit, il s’agit de services bénéficiant à toutes les filiales du groupe.
La question se pose de savoir s’il existe un risque de non déductibilité de la charge chez les filiales bénéficiaires desdits services.
La réponse semble dépendre étroitement de la notion juridique conférée à ces services, et de l’éventuel double emploi qu’ils font avec l’exercice du mandat social.
Principes juridiques applicables aux services facturés par une holding
La jurisprudence a pris position depuis longtemps maintenant.
Le cumul entre mandat social et prestations de services est-il admis ?
La Cour de cassation a rendu l’arrêt Samo Gestion, souvent cité comme référence en la matière. La haute juridiction a jugé nulle la convention de prestations de services conclue entre une holding et sa filiale qui portait sur des fonctions de direction déjà remplies au titre du mandat social.
En l’espèce, la convention prévoyait que la holding facturerait des services relatifs à l’action commerciale, la gestion industrielle, la gestion administrative et financière et la stratégie générale.
Selon la Cour de cassation, ces services sont déjà compris dans le mandat social de la holding. Autrement dit, puisque la holding est nommée gérante/présidente de la filiale, c’est à ce titre qu’elle doit remplir ses fonctions, et non au titre d’une convention séparée.
Au plan des principes juridiques, la convention n’a pas de cause. En conséquence, elle est déclarée nulle.
Précisions ultérieures quant au cumul des services avec un poste de direction
D’autres jugements et arrêts ont emboité le pas de cette décision. On peut notamment citer celui rendu par la Cour de cassation le 23 octobre 2012 dans l’affaire PG Conseil Développement. On peut aussi se référer à l’arrêt du 4 juillet 2013 rendu par la cour d’appel de Paris (affaire SAS Cahema).
Dans la décision PG Conseil, la Cour avait relevé, outre que les services correspondaient à des missions appartenant normalement au représentant légal, que celui-ci était en fait le même dans les deux structures concernées. Il cumulait ainsi un poste de directeur général dans la filiale avec un poste de gérant dans l’EURL « holding ».
Dès lors, une attention particulière doit être portée dans le cadre donné à cette convention de prestations de services.
En réalité, la majorité des praticiens fait déjà en sorte que la filiale soit constituée (ou transformée) sous forme de SAS, et que la holding nommée présidente de la SAS soit rémunérée pour ces fonctions. Dès lors que la convention prévoit un autre champ d’application, il n’y a plus de problème « Samo gestion ».
La convention de prestations peut par exemple porter sur des services en matière d’audit, comptabilité, reporting financier, la gestion des immobilisations, l’assistance juridique etc.
Notons que cette convention et ces prestations n’ont rien à voir avec la convention d’animation. Pour rappel, la convention d’animation a pour but que la holding oriente la stratégie des filiales afin qu’elle soit considérée comme animatrice. Cette qualification emporte des conséquences fiscales avantageuses au plan de l’IFI et de la transmission. Cependant, étant conclue dans l’intérêt de la holding et non de la filiale, elle n’a pas à donner lieu à rémunération, à la différence d’une convention de prestation de services, qui bénéficie bien à la filiale.
La fiscalité des services rendus par la holding à ses filiales
On s’est posé la question de savoir quelles conséquences pourrait tirer l’administration fiscale de la jurisprudence « Samo Gestion ».
Existe-t-il un risque d’acte anormal de gestion et de non déductibilité de la charge ?
Les rectifications fondées sur la jurisprudence « Samo Gestion » ne sont pas nombreuses mais elles existent. Dans les cas auxquels nous avons eu affaire, la procédure fiscale n’a néanmoins pas été au bout. En effet, l’administration qui avait initialement procédé à un redressement sur le fondement d’une nullité de la convention a fini par accepter que la charge engagée par la filiale trouvait sa justification sur un autre fondement : le mandat social de la holding. Autrement dit, malgré la nullité de la convention de prestations de services, la déductibilité a été sauvée sur le fondement du mandat social. Il faut relever que la conclusion aurait pu être différente si la holding percevait déjà une rémunération normale au titre de son mandat de direction dans la filiale.
Il faut aussi relever que si la société filiale décide de ne pas rémunérer son dirigeant, il s’agit d’une décision de gestion opposable. Ce choix pourrait permettre au service vérificateur de refuser la déduction de la charge engagée pour rémunérer un service qui aurait dû être inclus dans la rémunération du mandat social si celui-ci avait donné lieu à une contrepartie onéreuse.
Le Conseil d’Etat a déjà validé le fait que le choix de ne pas rémunérer un mandat social constitue une décision opposable (voir notamment la décision n°73500 du 6 octobre 1969).
Précautions à prendre pour limiter le risque fiscal
L’essentiel selon nous est de bien cadrer chaque prestation et de bien dissocier les services se rattachant à l’exercice d’un mandat social (pouvant donner lieu à rémunération), ceux se rattachant à des prestations purement techniques (rémunérés également) et les prestations d’animation, qui n’ont pas être rémunérées.
La mise en place de conventions portant sur des services techniques reste donc tout à fait envisageable en pratique. Ces conventions portent régulièrement le nom de « management fees ». Leur rédaction doit être confiée à un professionnel qui saura précisément délimiter le champ de chaque convention.
On préfèrera ainsi inscrire dans la convention de management fees les prestations portant sur des services techniques pouvant être externalisés hors du groupe. Par exemple, les missions de suivi des normes comptables ou d’audit peuvent parfaitement s’inscrire dans ce cadre. On peut aussi citer les services juridiques, notamment la veille législative sur les domaines du droit qui concernent l’activité de la filiale.
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