Le traitement du compte courant d’associé au regard de l’impôt sur la fortune fait couler beaucoup d’encre. Il ne s’agit pas d’un sujet nouveau. Rappelons-nous que, du temps de l’impôt de solidarité sur la fortune, le cas du compte courant d’associé interrogeait déjà.
L’IFI a remplacé l’ISF au 1er janvier 2018. Cette substitution a posé des difficultés d’interprétation, notamment sur la continuité de certaines règles historiques.
Le législateur puis l’administration fiscale ont tenté de colmater les incertitudes, notamment avec plusieurs doctrines reprises au bulletin officiel des finances publiques.
Le traitement fiscal du compte courant d’associé a fait l’objet de divers commentaires. Pour autant, il faut constater qu’aujourd’hui encore, toutes les questions n’ont pas obtenu une réponse claire et opposable.
Faut-il considérer que le compte courant d’associé né avant 2018 peut constituer une dette déductible de l’IFI ?
La doctrine IFI sur le compte courant d’associé avant 2018
Cette doctrine figure au « BOFIP », la base documentaire de l’administration fiscale.
Pourquoi un compte courant d’associé n’est plus déductible de l’IFI ?
Rappelons que le redevable peut éviter l’exclusion de son compte courant d’associé s’il peut justifier qu’il ne l’a pas contracté dans un objectif principalement fiscal.
La notion d’objectif principalement fiscal devrait s’apprécier compte tenu de la charge d’IFI du contribuable. A ce sujet, la doctrine de l’administration fiscale prévoit que peuvent caractériser un objectif non principalement fiscal le fait que le compte courant existe depuis bien avant la création de l’IFI. Autrement dit, l’IFI existant depuis 2018, il faudrait que le compte courant d’associé ait été créé par exemple en 2015.
Autre cas de justification acceptée si le compte courant a été constaté à une date sensiblement antérieure à celle à partir de laquelle le redevable supportait l’IFI.
A première lecture, la doctrine semble favorable aux contribuables qui ont créé des SCI il y a bien longtemps. Pour ceux-là, le simple fait que leur compte courant d’associé existe depuis de nombreuses années devrait permettre de sortir du champ de l’exclusion.
Cependant, la portée pratique de cette règle de principe se heurte à l’appréciation restrictive des services vérificateurs.
La doctrine IFI des comptes courants d’associés avant 2018 est-elle opposable ?
Notre expérience en matière de contrôle fiscal IFI nous conduit à faire preuve de la plus grande prudence s’agissant de cette règle.
Nous constatons en effet qu’en pratique, l’administration n’applique guère cette doctrine. Serait-ce parce qu’elle la considère comme non opposable ? Voilà peut-être une partie de l’explication. On relèvera en effet que la doctrine en question commencer par ces termes « est susceptible ». L’emploi de cette tournure de phrase n’inspire guère la confiance pour le contribuable.
Ajoutons à cela que les juges du fond de l’ordre judiciaire n’entendent pas davantage appliquer cette doctrine. Nous recensons en effet plusieurs décisions dans lesquelles le juge a rejeté la déductibilité d’un compte courant d’associé datant des années 2000.
Enfin, précisons également que la naissance du compte courant antérieurement à 2018 ou à l’assujettissement à l’IFI se heurte à un problème de preuve. Là encore, les services du pôle de contrôle des revenus et du patrimoine semblent pointilleux. Dans certaines affaires, les relevés de comptes entre le redevable et la SCI ne suffisent pas à prouver l’existence de la dette.
Nous ne pouvons sur ce dernier point qu’appuyer notre recommandation de tenir une comptabilité officielle pour chaque société concernée.
Peut-on déduire le compte courant d’associé de l’IFI après 2018 ?
Le texte, déjà particulièrement contraignant auparavant, vient une nouvelle d’être durci dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
La dette en compte courant d’associé à l’épreuve du but principalement fiscal
Les justifications temporelles mises de côté, comment peut-on encore en 2024 justifier d’un but non principalement fiscal pour déduire un compte courant d’associé de l’IFI ?
L’argument du financement bancaire impossible n’en est pas vraiment un. En effet, s’il est envisageable, surtout en cette période, qu’aucune banque n’accorde son concours à un projet immobilier, l’administration aura d’autres arguments à faire valoir. Par exemple, elle pourrait demander au contribuable de démontrer pourquoi les liquidités ont transité par compte courant et non par capital.
Cette sollicitation pose problème. En effet, quels arguments peut-on opposer à l’administration fiscale ?
Sans doute pourra-t-on répondre qu’en cas de vente du bien, il sera plus simple de récupérer une créance en compte courant que réaliser une réduction de capital. Par ailleurs rappelons que cet arbitrage peut relever d’une liberté de gestion dans laquelle le service fiscal n’est pas autorisé à s’immiscer.
Encore une fois, la théorie semble bien différente de la pratique, puisque les réponses fournies aux services sont bien souvent un coup d’épée dans l’eau. Néanmoins, nous pouvons rassurer les clients en constatant un taux d’admission intéressant lors des discussions avec le service vérificateur.
Quid du compte courant d’affectation du résultat distribué ?
D’autres comptes courants d’associés semblaient jusqu’à 2024 non concernés par cette exclusion de déductibilité. Evoquons le cas des comptes courants qui augmentent au fil des années par l’effet d’une distribution de bénéfices. En effet, dans de nombreuses SCI, il est courant de voter une distribution de dividende chaque année lorsqu’un résultat est constaté. Pour autant, en l’absence de trésorerie pour matérialiser le flux, le produit de la distribution gonfle le compte courant d’associé.
L’administration n’a pas souhaité s’engager dans des discussions pour critiquer la déductibilité de cette dette. On la comprend, tant les débats auraient probablement mal engagés pour elle.
Cependant, la donne pourrait bien changer en 2024. En effet la nouvelle loi de finances pour 2024 a introduit une nouvelle disposition dans le code général des impôts. Désormais, les dettes non liées au financement d’un actif imposable ne réduisent plus le calcul de la valeur taxable. Or, un compte courant d’associé lié à l’affectation du résultat constitue-t-il une dette liée à l’acquisition d’un bien immobilier ? Probablement pas, cependant, les conseils n’ont pas dit leur dernier mot, et certains raisonnements tenant la route juridiquement pourraient bien permettre aux contribuables concernés de préserver leurs droits.
Rappelons néanmoins en conclusion qu’un compte courant d’associé, même s’il est déductible, devra être amorti dans les conditions de droit commun.