La transmission du patrimoine immobilier peut s’inscrire dans le cadre d’une donation transgénérationnelle, laquelle connait une fiscalité spécifique.
La donation transgénérationnelle a pour but de gratifier les jeunes générations mais aussi la génération intermédiaire.
Par exemple, il s’agit pour un grand-père de donner à la fois à ses enfants et ses petits-enfants.
Mais il peut aussi s’agir d’incorporer des biens antérieurement donnés. Cela vise le cas du grand-père ayant gratifié ses enfants et qui souhaite, quelques années plus tard, transmettre une partie des biens primitivement donnés à ses petits-enfants.
Ce dernier cas de figure est connu sous le vocable d’incorporation dans une donation-partage transgénérationnelle.
Fiscalité de la donation transgénérationnelle
Une donation transgénérationnelle permet d’allotir plusieurs générations et d’inclure les petits-enfants dans la transmission de l’immobilier précédemment donné.
Réincorporer une donation antérieure
Bien souvent, les parents donnent à leurs enfants avant que ceux-ci n’aient constitué leur propre famille. Le patrimoine immobilier se transmet ainsi de générations en générations. Appelés régulièrement à conseiller nos clients sur la fiscalité de la transmission, nous intervenons aux côtés du notaire pour encadrer les opérations.
Parmi les conseils récurrents, mais pas systématiques, on peut citer la préférence donnée à une transmission portant sur des titres de sociétés plutôt que sur l’immobilier directement, ou encore le fait de privilégier une donation portant sur la nue-propriété uniquement.
Cependant, il arrive fréquemment que plusieurs années après la donation de la nue-propriété de parts sociales, les parents devenus entre temps grands-parents souhaitent gratifier leurs petits-enfants.
Cette volonté s’explique par plusieurs motivations, mais elle est souvent confrontée à un a priori fiscal : le montant très faible de l’abattement fiscal égal à 31 865 euros (contre 100 000 euros entre parent et enfant).
Pourtant, dans certains cas, l’aïeul peut saisir l’opportunité fiscale d’avoir préalablement donné à ses enfants pour réincorporer cette gratification dans une donation-partage transgénérationnelle bénéficiant de conditions fiscales favorables.
Comment est imposée une donation-partage transgénérationnelle ?
Au premier abord, la réincorporation de la donation initiale parent-enfant au sein d’une nouvelle donation grand-parent-petit-enfant peut laisser suggérer une nouvelle donation, et donc une nouvelle taxation.
Pourtant, l’article 776 A alinéa 2 du code général des impôts prévoit que, lorsque la donation initiale a plus de 15 ans, la réincorporation n’ouvre droit qu’au seul droit de partage de 2,5%. Autrement dit, le changement d’attributaire initial ne constitue pas au plan fiscal une nouvelle libéralité. Les droits de mutation à titre gratuit ne sont donc pas exigibles. Cette règle figure également dans la doctrine de l’administration fiscale : BOI-ENR-DMTG-20-20-10-12/09/2012 n°250.
Le droit de partage de 2,5% s’applique sur la valeur actuelle du bien initialement donné. Lorsque la donation initiale portait sur de la nue-propriété, la valeur actuelle peut correspondre au bien acquis en remploi (cas d’une donation initiale portant sur la nue-propriété d’actions vendues entre temps et donc le prix a été remployé dans des parts sociales de SCI elles-mêmes démembrées).
Autrement dit, le mécanisme de la donation-partage transgénérationnelle permet de modifier a posteriori une donation initiale dans des conditions fiscales avantageuses.
Il peut toutefois poser une problématique de fiscalité sur l’usufruit conservé par le donateur initial.
Controverses fiscales sur la taxation de la réversion d’usufruit au profit du premier donataire
Il est courant que la donation initiale n’ait porté que sur la nue-propriété de biens, par exemple de parts sociales. Il est aussi fréquent que le donataire initial, s’il accepte le principe de la réincorporation, exige en revanche que l’usufruit qui devait lui revenir initialement ne soit pas transféré au nouveau titulaire de la nue-propriété.
La donation-partage transgénérationnelle modifie l’attributaire de l’usufruit
Lorsque les parents donnent la nue-propriété à leurs enfants et réincorporent plusieurs années après cette nue-propriété au profit des petits-enfants, un changement s’opère dans la propriété du bien.
En effet, rappelons que lorsque l’usufruit s’éteint, celui-ci rejoint la nue-propriété pour reformer la pleine propriété. Or la réincorporation de la nue-propriété donnée initialement a pour effet de la transférer chez un nouveau bénéficiaire : le petit-enfant. C’est donc lui qui a vocation, en l’absence de disposition contraire, à recevoir l’usufruit une fois les grands-parents décédés.
Pourtant, la génération intermédiaire (parents) souhaitera généralement retenir cet usufruit à son profit au décès des grands-parents. En effet, si cet usufruit porte sur des titres de sociétés dont les statuts attribuent les pleins pouvoirs à l’usufruitier, il parait inadapté de priver les parents de ces droits en donnant l’usufruit aux petits-enfants.
Juridiquement, l’acte de donation-partage transgénérationnelle peut prévoir que l’usufruit ne s’éteindra pas directement au décès des grands-parents, et sera transféré aux parents.
Cependant, plusieurs courants de doctrine s’opposent depuis des années sur le sujet de la fiscalité propre à ce mécanisme touchant l’usufruit.
Fiscalité applicable selon le sort réservé à l’usufruit dans la donation transgénérationnelle
Plusieurs moyens juridiques permettant de transférer l’usufruit aux parents au décès des grands-parents.
Le premier consiste assez simplement à prévoir une charge dans l’acte de donation transgénérationnelle. Le mécanisme à faire consentir le nouvel attributaire (petit-enfant) à accepter qu’un usufruit successif sera mis en œuvre. Autrement dit, le petit-enfant accepte que l’usufruit des grands-parents se reconstitue à leur décès sur la tête des parents. Au plan fiscal, nous déconseillons cette technique qui aboutira avec certitude à une taxation aux droits de succession de l’usufruit chez les parents au décès des grands-parents. Cela résulte directement de la lettre de l’article 796 0 quater du code général des impôts.
Le deuxième moyen consiste à prévoir dans la donation transgénérationnelle une rétention d’usufruit. Certains auteurs considèrent à ce sujet que la constitution d’un usufruit par rétention présente l’intérêt de n’entraîner aucune mutation au profit du donataire initial, le risque de taxation aux droits de mutation à titre gratuit étant de ce fait exclu. Nous ne partageons pas cette analyse dans la mesure où, malgré les différences civiles entre un usufruit successif constitué via une charge et un usufruit par rétention, on voit mal l’argument qui permettrait au plan fiscal de contredire l’administration en cas de contrôle.
La troisième technique consiste à faire stipuler par les grands-parents un usufruit successif au profit des parents. Ce schéma suscite davantage de débats en doctrine, certains auteurs considérant que l’usufruit successif n’est pas transmis puisqu’il préexistait déjà dans le patrimoine du donataire initial. D’autres considérent au contraire que l’usufruit n’avait aucune existence juridique, et qu’il nait aux termes de la donation-partage. L’administration fiscale n’a jamais pris position sur cette technique. La prudence impose selon nous de considérer qu’une taxation demeure envisageable.
Face à ces multiples incertitudes, nous proposons aux clients qui le souhaitent une quatrième technique, envisageable seulement dans certains cas et notamment lorsque la transmission porte sur la nue-propriété de titres de sociétés. Ce schéma consiste à intégrer la donation transgénérationnelle dans une opération d’ensemble aboutissant à l’apport de la nue-propriété initiale au profit d’une nouvelle société dont les parts seraient démembrées au profit du petit-enfant attributaire. La chronologie des actes a pour effet d’isoler l’usufruit des grands-parents au sein de la nouvelle société constituée, réglant ainsi la problématique de la taxation de l’usufruit mais soulevant en contrepartie un sujet d’abus de droit. En pareil cas, nous conseillons évidemment aux clients intéressés de se faire assister par un avocat fiscaliste spécialisé en fiscalité patrimoniale.
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