L’achat de l’immobilier d’exploitation par la société holding ne constitue pas le choix généralement retenu par le chef d’entreprise. En principe, celui-ci préfère immatriculer une SCI ad hoc pour détenir les murs de son activité.

Fiscalement, il n’existe pas de recommandation générale. Chaque cas mérite une attention particulière. Surtout, il convient d’avoir une vision transversale au regard des différents impôts en jeu.

La structuration pourra différer selon les objectifs du dirigeant. Par exemple, une solution avantageuse pour une transmission avec un pacte Dutreil peut s’avérer pénalisante au regard de l’impôt sur les sociétés mais présenter une opportunité du point de vue de l’impôt sur la fortune.

Nous vous proposons de dresser un panorama des avantages et inconvénients d’acheter son immobilier d’exploitation directement par la société holding du groupe.   

L’immobilier dans la holding peut faciliter la mise en place d’un pacte Dutreil

Le pacte Dutreil offre un cadre fiscal avantageux aux transmissions d’entreprises. Il implique toutefois le respect de certaines conditions. 

Le pacte Dutreil intéresse les dirigeants d’entreprises

Contrairement à une idée reçue, le pacte Dutreil ne s’adresse pas qu’aux dirigeants qui souhaitent faire reprendre l’entreprise par leurs enfants. Il concerne tout aussi bien les familles dans lesquelles les enfants n’on pas vocation à poursuivre l’activité construite par leurs ascendants.

Le régime du pacte Dutreil permet de revendiquer une exonération de droits de donation ou de succession à hauteur de 75% de la valeur des titres sur lesquels le pacte porte.

Sans détailler longuement l’ensemble des conditions à respecter, rappelons brièvement que ce régime vise les sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Il implique un engagement collectif et individuel de conservation des titres sur lesquels porte le pacte.

Les textes traitent les sociétés holdings animatrices comme exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, de sorte que leur transmission peut bénéficier de l’exonération.

L’animation consiste à participer activement à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales, et à rendre des services spécifiques (administratifs, financiers etc.).

On n’exige pas que l’activité d’animation de la holding soit exclusive. Il faut seulement une prépondérance (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10-21/12/2021 n°20).

En présence d’une société holding, le caractère principal de l’activité d’animation de groupe est retenu notamment lorsque la valeur vénale des titres des filiales animées représente plus de la moitié de son actif total (Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.955). L’administration s’attache quant à elle à la prépondérance du chiffre d’affaires et à celle de la valeur vénale de l’actif immobilisé et circulant affecté à l’activité opérationnelle sur le total de l’actif brut.

Dès lors, quelle place donner à l’immobilier d’exploitation ? Peut-il constituer un actif animable ou va-t-il au contraire dégrader le ratio d’animation et empêcher la mise en place du pacte Dutreil ?

Une jurisprudence de cour d’appel a statué sur la place de l’immobilier professionnel

La cour d’appel de Paris a récemment jugé que pour l’appréciation de la part des actifs d’une société holding affectée l’activité d’animation de ses filiales ayant une activité professionnelle, le numérateur du ratio comprend notamment l’immeuble détenu par la société holding et donné à bail à sa filiale opérationnelle animée (CA Paris, 24 octobre 2022, n° 21/00555, société Financière de Rosario).

Sous réserve d’une éventuelle confirmation par le Conseil d’Etat, cette décision pourrait plaider en faveur d’inscrire l’immeuble d’exploitation dans la société holding.

A l’inverse, l’inscrire à l’actif d’une SCI détenue par la holding va dégrader le ratio d’animation et potentiellement empêcher la signature d’un pacte Dutreil. Il resterait toujours la possibilité de conclure un Duteil sur les titres de la holding limité à la proportion de la valeur vénale de l’actif brut de cette holding représentative de la valeur de la société opérationnelle. Cette possibilité se rencontre souvent en pratique sous le vocable de « Dutreil interposé ». 

Malgré l’absence de réponses claires et définitives, on notera toutefois en synthèse que la mise en place d’un pacte Dutreil peut constituer un critère de choix dans la place de l’immobilier d’exploitation.

immobilier d'exploitation holding

Autres critères de choix pour l’immobilier d’exploitation dans la holding

Intégrer l’immobilier professionnel au sein de la holding du groupe ne constitue pas le meilleur choix fiscal eu égard à l’imposition le jour de la revente.

La fiscalité immobilière à l’IS

Nous avons retranscrit dans de nombreux articles la fiscalité pénalisante à laquelle doit faire face le dirigeant d’entreprise qui achète ses locaux professionnels dans une société à l’IS. Parmi les inconvénients, on peut citer la taxation croissante de la plus-value au fil des années de détention, ou encore l’impôt de distribution prélevé après la vente du bien immobilier.

Intégrer l’immobilier professionnel dans la société holding revient à se priver de deux schémas fiscalement intéressants à savoir la cession d’usufruit temporaire et la société en commandite simple.

Pour rappel, ces deux schémas consistent à loger l’immobilier dans une structure particulière. Ils aboutissent in fine à une taxation des loyers à l’IS et de la plus-value à l’IR.

Le dirigeant doit donc mettre en balance l’intérêt fiscal qu’il a à transmettre l’entreprise à ses enfants dans des conditions avantageuses (pacte Dutreil) et l’intérêt matérialisé le jour de la revente du bien.

Il n’existe évidemment pas de réponse tranchée à cette question. Notons que l’économie fiscale réalisée au moyen d’un pacte Dutreil profite aux enfants du dirigeant, alors que l’économie fiscale liée à la plus-value peut lui bénéficier à lui directement.

L’immobilier d’exploitation dans la holding au regard de l’IFI

L’IFI s’applique aux biens immobiliers mais aussi aux parts sociales ou actions de sociétés. Dans ce dernier cas, on peut s’interroger sur l’opportunité de loger l’actif immobilier professionnel dans la holding, ou dans une société civile.

L’article 965 2° du CGI constitue la référence textuelle en matière d’impôt sur la fortune. Malgré l’imaginaire collectif, entretenu par certaines approximations et raccourcis, il est faux d’affirmer que l’immobilier professionnel bénéficie toujours d’une exclusion de l’IFI dès lors qu’il est affecté à une activité opérationnelle de l’une des sociétés du groupe, et ce peu importe la structuration.

En effet, la rédaction du texte fiscal et l’interprétation qui en est faite par la doctrine administrative écartent du bénéfice de l’exclusion de nombreux schémas de détention. Dans certains cas, la place de l’immobilier dans le groupe fait échec à son exclusion du champ d’application de l’IFI. Il s’agit par exemple de l’immobilier inscrit à l’actif d’une société holding passive qui le met à disposition d’une société opérationnelle détenue par cette même holding. En pareil cas, l’immobilier professionnel demeure taxable. On aboutit à la même conclusion lorsqu’une société holding détient d’une part les titres d’une SCI propriétaire de l’immobilier professionnel, et d’autre part les titres d’une société opérationnelle exerçant son activité dans les locaux du bien détenu par la SCI. Ici encore, l’actif immobilier ne bénéficie pas de l’exclusion du champ d’application de l’IFI.

Autrement dit, dans de nombreuses situations, malgré que l’actif immobilier constitue l’outil de travail du groupe de sociétés, l’IFI s’applique.

Plusieurs mécanismes permettent de corriger le schéma.

L’une des solutions consiste à rendre la holding animatrice. Cette qualification permet d’exclure l’immobilier que cette holding détient et affecté à une société filiale opérationnelle. Cette qualification permet aussi (sous réserve de l’interprétation jurisprudentielle) de mettre en place un pacte Dutreil. *

En synthèse, il semble donc possible d’aligner les opportunités fiscales en matière de transmission et d’impôt sur la fortune.


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