Le schéma consistant à céder l’usufruit temporaire de parts sociales de SCI n’a plus le vent en poupe. Depuis quelques années, les avocats fiscalistes craignent de plus en plus la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit.

De notre côté, nous considérons que ces montages demeurent envisageables lorsque certaines conditions et prérequis existent. Le temps de l’opulence où les schémas dit de « démembrement » s’appliquaient à tout va est sans doute terminé. Mais il faut davantage y voir une régulation des opérations et un tri dans les dossiers plutôt qu’une fin annoncée.

Quoi qu’il en soit, ces schémas n’ont pas fini de faire couler de l’encre, puisque la Cour de cassation a rendu un arrêt sur le sujet (chambre commerciale, 30 novembre 2022, n° 20-18.884).

La problématique ne concernait ni la fiscalité des revenus ni la fiscalité des plus-values. Il s’agissait en l’espèce d’une problématique de droits d’enregistrement.

Rappel du montage consistant à céder l’usufruit temporaire de parts

Ce schéma permet de cumuler plusieurs avantages au plan fiscal.

Bénéficier de l’IS sur le résultat locatif

La principale problématique d’un investisseur immobilier tourne autour de l’imposition des revenus locatifs. Choisir une fiscalité des revenus fonciers emporte des conséquences pénalisantes. En effet, les frais d’acquisition sont non déductibles, et aucun amortissement ne pourra faire l’objet d’une déduction. En outre vient s’ajouter l’intégration du revenu net au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Ce montant supporte l’imposition ainsi que les prélèvements sociaux au taux de 17.2%

Grâce à ce schéma, le résultat locatif de la société immobilière peut bénéficier des règles d’impôt sur les sociétés. Ce faisant, l’amortissement du bien permettra de réduire la base imposable. Le taux applicable sera celui de droit commun soit 25%. Dans certains cas, on peut même bénéficier du taux réduit de 15% dont le plafond a d’ailleurs été réévalué depuis le 1er janvier 2023.  

Tout en bénéficiant d’une plus-value des particuliers

En principe, tout changement de régime fiscal en cours de durée de détention d’un actif immobilier se traduit par une imposition des profits latents. Dans le schéma, le passage de l’IS sur les loyers à l’IR sur la plus-value ne provient pas d’un changement de régime fiscal mais d’un acte réalisé en amont. Il s’agit du démembrement portant sur la propriété des parts sociales de la SCI propriétaire du bien. L’usufruit étant cédé à la société d’exploitation (parfois même à la holding), la durée de l’usufruit se calibre sur l’horizon de détention du bien.

A l’issue du délai fixé initialement, par exemple 30 ans, l’usufruit s’éteint et rejoint la nue-propriété chez l’associé personne physique. Une vente à ce moment là relèverait donc du régime des plus-values des particuliers. Lorsque le bien a fait l’objet d’une détention supérieure à 30 ans, la plus-value bénéficie donc d’une exonération totale de fiscalité.

fiscalité cession usufruit

La fiscalité de la cession d’usufruit temporaire de parts sociales

L’acte de démembrement s’analyse en une cession.

Fiscalité au regard de l’impôt sur le revenu

Depuis plusieurs années maintenant, l’article 13.5 du code général des impôts a anéanti l’intérêt de ce montage lorsqu’il est mis en place une fois le bien déjà acquis par la SCI. En effet, la cession de l’usufruit temporaire aurait alors pour contrepartie la constatation d’un revenu foncier taxable chez l’associé cédant personne physique.

Cet article avait d’ailleurs pour objet de faire échec à ces opérations. Il faut dire que le législateur a plutôt réussi son coup. Aujourd’hui, si le schéma peut s’effectuer, il faut généralement le faire ab initio. Cependant, dans certains cas, une cession d’usufruit en cours de détention immobilière par la SCI n’est pas à exclure.

Fiscalité au regard des droits d’enregistrement

L’administration fiscale a considéré que la cession d’usufruit temporaire de parts sociales constituait une mutation de propriété des droits sociaux. Dans les cas où la société possède déjà le bien immobilier, cette cession devrait dès lors relever de l’article 726 du code général des impôts. Les droits d’enregistrement devraient donc être calculés au taux de 5% sur le prix de cession.

La Cour de cassation en juge autrement dans son arrêt. En effet, elle commence par rappeler que, au plan civil, seul le nu-propriétaire a la qualité d’associé. Cela résulte de l’article 578 du code civil et d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Dès lors que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, la cession portant sur ce droit ne peut pas constituer une cession de droits sociaux. Autrement dit, les droits d’enregistrement ne sont pas dus au taux de 5% mais sur la base d’un droit fixe de 125€ en vertu de l’article 680.

On peut s’interroger sur cette décision. Notamment car en cédant l’usufruit de ses droits sociaux, l’ancien plein propriétaire s’est dessaisi d’une partie de ses droits. On pense notamment aux droits financiers (renonciation aux bénéfices). Pourtant, il semble falloir désormais s’y conformer.


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