La location équipée de locaux professionnels se voit appliquer une fiscalité particulière. Les règles des bénéfices industriels et commerciaux gouvernent la détermination du résultat imposable.
S’agissant des revenus locatifs, ils supportent l’impôt sur le revenu après avoir été réduits des charges déductibles, dont l’amortissement du bien.
Concernant la plus-value réalisée lors de la vente des locaux professionnels, celle-ci ne relève pas du régime des particuliers comme on peut trop souvent le lire, à tort, sur internet. En fiscalité immobilière, les termes ont un sens et ne doivent parfois pas être pris au pied de la lettre.
Ainsi, si la location équipée génère bien un revenu BIC non professionnel, il n’en demeure pas moins que la plus-value de cession de l’immeuble relèvera du régime des plus-values professionnelles.
La fiscalité des revenus applicable à la location équipée
Afin d’appliquer ce régime, il faut qu’un certain niveau d’équipement existe dans les locaux.
La location équipée produit un revenu taxable dans la catégorie des « BIC »
L’article 35.I.5°) du code général des impôts vise le cas des locations d’établissement commercial muni du mobilier ou du matériel nécessaire à son exploitation.
Cette définition concerne par exemple les locations de bureaux, mais aussi de locaux commerciaux ou professionnels. La loi ne donne pas de niveau minimal d’équipement afin que la location soit qualifiée de « équipée ». On pourra néanmoins se référer à la jurisprudence rendue en matière de TVA et visée ci-dessous.
Lorsque la qualification de locaux équipés ne fait plus de doute, les revenus locatifs intègrent la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux « BIC ». Le redevable peut choisir entre le régime micro-BIC et le régime réel. L’application du régime réel permet de déduire un amortissement portant sur la construction. Elle permet aussi de déduire les frais d’acquisition et commissions d’intermédiaires à l’achat.
Souvent, les premières années se traduisent par un déficit fiscal. Ce déficit a la nature d’un déficit « BIC non professionnel ». Ce faisant, l’article 156, I-1° bis prévoit que ce déficit ne s’impute pas sur le revenu global du contribuable. On parle de déficit « tunnelisé ». Autrement dit, il ne s’impute que sur des bénéfices de même nature. Le déficit se reporte en avant pendant 6 ans.
La TVA s’applique-t-elle aux locaux équipés ?
La TVA préfère la notion d’immeuble aménagé à celle de locaux équipés. D’après l’article 261 D du code général des impôts, la location d’immeubles aménagés ne bénéficie pas de l’exonération de TVA normalement applicable aux locations immobilières. Si la location porte des immeubles aménagés, la TVA s’applique donc de plein droit sur le loyer.
Le Conseil d’Etat rappelle qu’il s’agit de locaux à usage professionnel pourvus des aménagements nécessaires, sans lesquels l’exploitation commerciale à laquelle ces immeubles sont destinés est impossible.
La Haute juridiction précise donc qu’il existe une gradation dans l’équipement d’un local. À partir d’un certain seuil d’équipement, l’exploitation commerciale devient possible. La circonstance qu’un niveau supérieur d’équipement aurait permis d’améliorer l’exploitation commerciale demeure sans incidence.
Les professions libérales ou autres prestataires de services interrogent souvent l’avocat fiscaliste sur la question des bureaux. En effet, on peut se demander à partir de quel stade un bureau peut se qualifier de « équipé ». Récemment, la cour d’appel de Bordeaux a statué sur des bureaux donnés en location à une société gérant des centres d’appel. La cour juge que si le bail commercial litigieux porte sur des aménagements utiles à l’exercice d’une activité de centre d’appels, le matériel informatique approprié à ce type d’activité tel que les serveurs, les logiciels de centres d’appels, les lignes téléphoniques dédiées, les téléphones ou micro-casques téléphoniques n’étaient pas fournis. Elle qualifie la location comme portant sur des locaux nus (cour administrative d’appel Bordeaux, 5e chambre, 22 Novembre 2022 – n° 20BX02285).
Taxation de la plus-value professionnelle sur les locaux équipés
Malgré la qualification de revenus « non professionnels », la plus-value n’échappera pas aux règles fiscales pénalisantes.
La neutralisation des effets de la théorie du bilan en matière de BIC
La théorie du bilan consistait à laisser un libre choix pour inscrire les biens à l’actif du bilan. Ainsi, un commerçant pouvait librement affecter à son activité un immeuble de placement n’ayant aucun lien avec celle-ci. Le résultat dégagé par cet actif intégrait la masse des revenus générés par l’activité principale.
En 2012, le législateur a neutralisé les effets fiscaux de la théorie du bilan. Le contribuable demeure toujours libre d’affecter comptablement des biens étrangers, mais il n’y a plus de symétrie comptable-fiscale. Autrement dit, les revenus dégagés par les actifs étrangers ne supportent plus l’impôt dans la catégorie dont relève l’activité exercée par l’entreprise. Par exemple, les revenus tirés de la location d’un immeuble nu inscrit au bilan sont extournés du résultat BIC et font l’objet d’une détermination de résultat selon les règles des revenus fonciers.
Imposition de la cession des locaux selon le régime des plus-values professionnelles
La confusion souvent commise consiste à croire que l’affectation d’un immeuble de placement à une activité exercée à titre non professionnel fait échapper la vente au régime des plus-values professionnelles. On lit parfois que les dispositions de l’article 155 du code général des impôts permettent de taxer en plus-value des particuliers un bien étranger à l’activité de l’entreprise.
C’est confondre affectation d’un actif étranger à l’activité professionnelle exercée par l’entreprise et affectation d’un actif constituant par essence même l’activité de cette entreprise.
Le texte de l’article 155 a pour effet de neutraliser les effets fiscaux de la théorie du bilan pour les biens étrangers à l’activité de l’entreprise. Il n’a pas pour objet ni pour effet d’exclure du champ des plus-values professionnelles la cession d’un bien immobilier inscrit au bilan d’une entreprise dont l’objet consiste justement à louer équipé ce même bien.
Dès lors, il est inexact d’affirmer que la location équipée via par exemple une SARL de famille ou un EURL permet de bénéficier des règles des BIC sur le résultat locatif, tout en relevant du régime des plus-values des particuliers.
Comme souvent en fiscalité immobilière, la magie n’existe pas.
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