La valeur et le prix constituent deux notions très différentes en matière de fiscalité immobilière.

Pourtant, on a souvent tendance à les mélanger, ce qui peut créer une confusion juridique.

Nous vous proposons d’analyser ces deux notions au regard des différents impôts. Valeur et prix n’ont par exemple pas la même signification en matière d’impôt sur le patrimoine, qu’il s’agisse des droits d’enregistrement ou de l’impôt sur la fortune immobilière. Les deux notions n’ont pas non plus le même sens en matière d’impôt sur la plus-value.

Le prix et la valeur en matière d’impôts sur le patrimoine

Il s’agit des impôts applicables aux transmissions d’immeubles et de l’impôt sur la fortune.

Le prix et la valeur d’un bien immobilier en matière de transmission

Lors d’une donation ou succession comprenant des biens immobiliers, la question de la base imposable implique de s’interroger sur la valeur du bien.

En principe, que le bien soit détenu directement ou via une société, l’assiette des droits de donation correspond souvent à sa valeur intrinsèque, parfois réduite de l’emprunt bancaire (voir notre article sur les cas dans lesquels cet emprunt peut réduire l’assiette des droits).

La valeur se définit comme celle qu’il serait possible d’obtenir sur le marché immobilier de gré à gré. Plusieurs méthodes permettent d’obtenir une valeur dite « fiable ». On peut évoquer la méthode par comparaison qui consiste à rechercher des transactions intervenues sur des biens aux caractéristiques similaires. On peut aussi citer la méthode par rendement, qui donne une valeur en fonction des revenus attendus du bien.

Cependant, dans de nombreuses situations, la valeur est discutable. L’exemple le plus parlant est celui d’un terrain sur lequel repose une maison, le tout situé en plein cœur d’un quartier stratégiquement intéressant pour un promoteur immobilier. En pareil cas, nous sommes parfois amenés à intervenir sur une opération dite de « donation-cession » afin de purger une partie de la plus-value fiscalisée. Mais quelle base retenir pour l’assiette taxable des droits de donation ? La valeur de la maison dans son état actuel obtenue sur le site « DVF », ou bien le prix que s’est vu proposer le vendeur par le promoteur ?

Avant signature de tout document contractuel, la situation parait assez simple. L’administration fiscale aura en effet du mal à fixer un référentiel sur la base d’un prix théorique qu’obtiendrait le contribuable en vendant à un promoteur. En revanche, l’analyse se complique lorsque, par exemple, le donateur a signé une promesse avec le promoteur.

Dans ce cas de figure, ne doit-on pas considérer que le prix convenu doit prévaloir sur les valeurs de biens comparables ?

Chaque situation présente des particularités. Notons simplement qu’une promesse de vente ne signifie pas vente au prix indiqué. D’abord, les spécialistes du marché immobilier savent pertinemment que les négociations avec la mairie aboutissent dans de nombreux cas à l’abandon du projet de construction, et donc à la vente aux conditions initiales. En outre, dans le cas où le projet de promotion serait validé en commune, l’augmentation du quota de logements sociaux, ou la réduction de la surface plancher constructible sont autant de paramètres qui entrainent une renégociation du prix proposé à la baisse.

Alors, comment établir la base imposable aux droits de donation ou de succession ?

Une différence également marquée en matière d’impôt sur la fortune

Là encore, le sujet peut se révéler épineux.

Le code général des impôts et la doctrine administrative indiquent la méthode à retenir pour déterminer la base imposable. Quel que soit le schéma de détention (directe ou indirecte), le contribuable doit partir de la valeur réelle des biens immobiliers composant son patrimoine, appréciée au 1er janvier de l’année d’imposition.

Des situations inconfortables peuvent se présenter en pratique.

Par exemple, quelle valeur retenir pour un patrimoine immobilier investi en locaux d’activité ?

Contrairement à l’immobilier à usage d’habitation, l’immobilier logistique ne se valorise pas du tout de la même manière. Là où l’habitation répond généralement à une logique assez simple (emplacement, bien libre ou occupé, état d’usage), l’immobilier professionnel dépend de facteurs bien plus complexes à appréhender avec précision : qualité du preneur, durée du bail, bail commercial dit « 3/6/9 » ou bail ferme, montant du loyer sur prix de revient etc.

Autant de facteurs qui complexifient grandement l’analyse de la valeur réelle du patrimoine immobilier, et donc de la base à retenir pour appliquer le taux de l’impôt sur la fortune.

En 2023, un nouveau paramètre viendra encore complexifier davantage les prises de décisions: la hausse des taux d’intérêts. En tant qu’avocats fiscalistes spécialisés en immobilier professionnel, nous constatons une diminution sensible des valeurs des portefeuilles composés d’immobilier professionnel. En effet, les investisseurs exigent davantage de rentabilité qu’il y a un an, et négocient des baisses de prix conséquentes, sauf cas où l’acquisition interviendrait par des foncières ou fonds de pension pouvant financer comptant sans recours à l’emprunt bancaire.

Par conséquent, en matière d’IFI comme en matière de libéralité, la frontière entre valeur et prix n’est pas simple à trouver.

valeur et prix fiscalité

Différence entre le prix et la valeur en matière de plus-value immobilière

Là encore, les deux notions présentent des différences importantes.

La valeur d’apport d’un bien immobilier correspond-elle au prix ?

L’apport d’un bien immobilier constitue le fait générateur d’une plus-value imposable, qu’il s’agisse du régime des plus-values des particuliers ou de celui des professionnels.

Il se pose la question de la valeur d’apport à retenir. Rappelons que, lorsque l’apport est réalisé par une personne physique au profit d’une société assujettie à l’IS, la question de la base imposable s’étend également aux droits d’enregistrement prélevés au taux de 5%.

Il n’existe aucune règle fixée en la matière. Les contribuables doivent consulter leurs conseils en fiscalité immobilière afin de retenir une valeur d’apport qui permettra de contenir l’imposition à un niveau raisonnable tout en limitant le risque de critiques de la part de l’administration fiscale.

En pratique, l’apport intervient pour alléger l’imposition qui résulterait de la vente à venir sur le bien apporté. Par exemple, on pense à un bien détenu depuis moins de 5 ans pour lequel il serait envisager de l’apporter à une société à l’IS en vue de bénéficier d’un taux d’imposition plus faible sur la revente (cette opération pouvant d’ailleurs se combiner avec une donation avant apport puis report du démembrement sur les parts). En pareil cas, nous conseillons fortement de réaliser l’apport le plus rapidement possible, notamment avant la signature de tout document engageant avec un tiers.

Finalement, n’y-a-t-il pas que le prix qui compte en fiscalité immobilière ?

Bien souvent, la vraie valeur n’existe pas, hormis dans un cas d’école et sur lequel il n’existe pas d’enjeu.

En matière de fiscalité immobilière, peu de réponses permettent d’y voir clair. Quel que soit l’impôt en question, on ne peut pas affirmer avec certitude que la valeur soit la bonne, tout simplement car il est impossible de savoir si cette valeur correspond au prix.

Certes, on pourra toujours conseiller au client de documenter ses opérations avec des sources différentes et concordantes, de sorte à sinon éviter toute critique, au moins pouvoir expliquer pourquoi telle décision a été prise. L’intervention d’experts peut permettre d’étayer l’argumentation. Néanmoins, rappelons que l’administration fiscale n’est jamais tenue par les valeurs qui lui sont opposées, y compris lorsqu’elles émanent d’experts dits « judiciaires ».

Il faut bien garder à l’esprit que, comme bien souvent, les discussions avec l’administration sur les valeurs prendront une direction différente selon que le débat a été engagé suite à un contrôle ou à une régularisation spontanée.

Là où le contribuable pourra définir lui-même le référentiel de valeur lorsqu’il dépose spontanément une déclaration rectificative, il est bien évident que la solution ne sera pas identique en cas de vérification de comptabilité ou examen de la situation fiscale personnelle. Dans ce dernier cas, l’administration fiscale pourra volontairement fixer une valeur « initiale » plus élevée que le prix, et le rapport de force sera moins bien engagé pour le contribuable.

Quoi qu’il en soit, la question entre le prix et la valeur est loin d’être tranchée.


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