Existe-t-il une problématique de fiscalité immobilière à adapter un loyer en fonction de l’amortissement d’un prêt bancaire, ou d’un bien immobilier ?

Nous avons remarqué que les dirigeants d’entreprises se portant acquéreurs de leurs locaux professionnels nous interrogeaient systématiquement sur cette question. 

Généralement, l’immobilier professionnel intègre une société civile immobilière à l’IS qui procède à la location du bien au profit de la société d’exploitation.

La première question consiste à savoir si le loyer du local d’activité peut correspondre à l’échéance bancaire due par la SCI.

La seconde consiste à savoir si ce même loyer peut également correspondre, ou s’en rapprocher le plus possible, à l’amortissement comptable du bien immobilier.

Fiscalement, cette double interrogation pose de sérieux problèmes.

Quel intérêt fiscal à adapter son loyer à l’amortissement ?

L’intérêt est évident, qu’il s’agisse de l’amortissement du prêt ou de l’amortissement du bien immobilier. 

Equilibrer sa trésorerie en calquant son loyer sur l’échéance bancaire

Lorsque la SCI s’endette pour acquérir le local professionnel, le remboursement de l’emprunt peut nécessiter une trésorerie plus ou moins importante. Ce montant dépend de plusieurs facteurs financiers. Par exemple, il varie en fonction de l’apport en fonds propres, du taux d’intérêt mais surtout de la durée de l’emprunt.

Afin d’éviter d’avoir à combler les écarts de trésorerie, le chef d’entreprise sera tenté de fixer un loyer de sorte à ce que celui-ci couvre les mensualités. Ainsi, pour une échéance de 2 000 euros par mois, fixer un loyer brut à 2 500 euros pourrait permettre d’équilibrer les flux (en prenant pour hypothèse des charges courantes d’environ 500 euros par mois, hors emprunt).

En pratique, on se rend d’ailleurs compte que c’est le sens des préconisations délivrées par certains intermédiaires à la vente.  

Limiter l’impact fiscal en fixant son loyer en fonction de l’amortissement du bien

Lorsque la SCI relève de l’IS, le bénéfice imposable tient compte de l’amortissement du bien. Il s’agit d’une charge fiscale, mais cela ne constitue pas une dépense. Autrement dit, l’amortissement permet de réduire l’imposition du loyer sans décaissement de trésorerie. 

En fonction de la base et des durées retenues pour chaque composant, l’annuité d’amortissement varie. Dans certains cas de figure, l’annuité d’amortissement est telle qu’elle représente une quote-part importante du loyer. Par exemple, il peut s’agir d’un amortissement annuel de 30 000 euros s’agissant d’un bien loué 40 000 euros par an.  

Dans ce cas de figure, le propriétaire exploitant peut être tenté de réduire le loyer de sorte à gommer toute la fiscalité relative. Notons toutefois que, dans la majorité des cas, il s’agit d’une fiscalité parallèle (déduction de la charge chez la société exploitante, imposition du produit chez la société propriétaire).

loyer amortissement fiscalité

Pourquoi adapter son loyer à l’amortissement crée un risque fiscal ?

Ces deux adaptations sont au mieux inutiles, au pire sources de problématiques d’ordre fiscal.

D’autres solutions permettent de résoudre le problème initial

La problématique de l’emprunt bancaire se résout assez facilement. Plutôt que d’augmenter son loyer au-delà du prix de marché, le dirigeant pourra combler l’écart de trésorerie au moyen d’un compte courant d’associé. Lorsque la structuration de l’actionnariat de la SCI est efficace et bien pensée, la société d’exploitation pourra abonder en compte courant pour rééquilibrer la position cash sur le compte bancaire. L’intérêt rémunérant les sommes laissées à disposition sera fiscalement déductible dans la SCI, et corrélativement imposable dans la société d’exploitation.

Concernant l’amortissement du bien, il n’existe certes pas de solution miracle pour gommer la fiscalité applicable aux loyers encaissés par la SCI. Relevons toutefois que, contrairement à l’idée reçue, l’amortissement ne constitue qu’une avance de trésorerie. En effet, lors de la revente du bien par la SCI, la prise en compte de la valeur nette comptable comme référentiel pour le calcul de la plus-value entrainera une fiscalité souvent plus lourde que celle économisée grâce à l’amortissement (déduction de l’amortissement au taux réduit de 15%, imposition liée à la réintégration des mêmes amortissements à 25%).

Au-delà du manque d’intérêt, cette pratique peut même placer le client dans une situation complexe fiscalement. 

Le loyer doit correspondre au prix du marché

Bien souvent, le client aura tendance à augmenter son loyer pour le faire correspondre à la mensualité d’emprunt. Rappelons ici que certaines banques exigent même des business plans mentionnant que le loyer devra être supérieur à un ratio de couverture. Dans ce cas de figure, le loyer sera alors surévalué par rapport au marché locatif.

A l’inverse, s’agissant de la problématique liée à l’amortissement, le client cherchera à réduire son loyer (solution qu’il estime, à tort, moins risquée fiscalement que celle qui consiste à augmenter son amortissement, notamment en augmentant la base ou le taux).

On remarque donc que combiner les deux pratiques aboutit à un paradoxe : diminuer son loyer pour limiter sa fiscalité, ou l’augmenter pour éviter une trésorerie négative.

Dans les deux cas, ces pratiques aboutissent également à un risque fiscal important. En effet, il y a acte anormal de gestion pour la société propriétaire du bien, à renoncer à un loyer de marché qu’elle aurait pu obtenir de la part d’un tiers. A l’inverse, il y a également un acte anormal de gestion pour la société locataire à verser un loyer nettement supérieur au prix du marché.

En conséquence, faire dépendre son loyer des aléas bancaires ou fiscaux ne constitue jamais la bonne solution au plan fiscal. La seule préoccupation du chef d’entreprise devrait être de faire correspondre au mieux le loyer aux différents prix du marché local. Il est donc dommageable pour les clients que certains partenaires financiers et gestionnaires n’agissent que dans leur propre intérêt, faisant fi des règles de fiscalité immobilière.


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